Книга Цветы зла, страница 57. Автор книги Шарль Бодлер

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Cтраница 57

Je suis la plaie et le couteau!

Je suis le soufflet et la joue!

Je suis les membres et la roue,

Et la victime et le bourreau!


Je suis de mon cœur le vampire,

— Un de ces grands abandonnés

Au rire éternel condamnés,

Et qui ne peuvent plus sourire!

LXXXIV
L'IRRÉMÉDIABLE

I

Une Idée, une Forme, un Être

Parti de l'azur et tombé

Dans un Styx bourbeux et plombé

Où nul œil du Ciel ne pénètre;


Un Ange, imprudent voyageur

Qu'a tenté l'amour du difforme,

Au fond d'un cauchemar énorme

Se débattant comme un nageur,


Et luttant, angoisses funèbres!

Contre un gigantesque remous

Qui va chantant comme les fous

Et pirouettant dans les ténèbres;


Un malheureux ensorcelé

Dans ses tâtonnements futiles,

Pour fuir d'un lieu plein de reptiles,

Cherchant la lumière et la clé;


Un damné descendant sans lampe,

Au bord d'un gouffre dont l'odeur

Trahit l'humide profondeur,

D'éternels escaliers sans rampe,


Où veillent des monstres visqueux

Dont les larges yeux de phosphore

Font une nuit plus noire encore

Et ne rendent visibles qu'eux;


Un navire pris dans le pôle,

Comme en un piège de cristal,

Cherchant par quel détroit fatal

Il est tombé dans cette geôle;


— Emblèmes nets, tableau parfait

D'une fortune irrémédiable,

Qui donne à penser que le Diable

Fait toujours bien tout ce qu'il fait!


II

Tête-à-tête sombre et limpide

Qu'un cœur devenu son miroir!

Puits de Vérité, clair et noir,

Où tremble une étoile livide,


Un phare ironique, infernal,

Flambeau des grâces sataniques,

Soulagement et gloire uniques,

— La conscience dans le Mal!

LXXXV
L'HORLOGE

Horloge! Dieu sinistre, effrayant, impassible,

Dont le doigt nous menace et nous dit:"Souviens-toi!

Les vibrantes douleurs dans ton cœur plein d'effroi

Se planteront bientôt comme dans une cible;


Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon

Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse;

Chaque instant te dévore un morceau du délice

À chaque homme accordé pour toute sa saison.


Trois mille six cents fois par heure, la Seconde

Chuchote: Souviens-toi! — Rapide, avec sa voix

D'insecte, maintenant dit: je suis Autrefois,

Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde!


Remember! Souviens-toi! Prodigue! Esto memor!

(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)

Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues

Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or!


Souviens-toi que le Temps est un joueur avide

Qui gagne sans tricher, à tout coup! C'est la loi.

Le jour décroît; la nuit augmente; souviens-toi!

Le gouffre a toujours soif; la clepsydre se vide.


Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,

Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,

Où le Repentir même (oh! La dernière auberge!),

Où tout te dira: Meurs, vieux lâche! Il est trop tard!"

TABLEAUX PARISIENS
LXXXVI
PAYSAGE

Je veux, pour composer chastement mes églogues,

Coucher auprès du ciel, comme les astrologues,

Et, voisin des clochers, écouter en rêvant

Leurs hymnes solennels emportés par le vent.

Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde,

Je verrai l'atelier qui chante et qui bavarde;

Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité,

Et les grands ciels qui font rêver d'éternité.


Il est doux, à travers les brumes, de voir naître

L'étoile dans l'azur, la lampe à la fenêtre,

Les fleuves de charbon monter au firmament

Et la lune verser son pâle enchantement.

Je verrai les printemps, les étés, les automnes;

Et quand viendra l'hiver aux neiges monotones,

Je fermerai partout portières et volets

Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.

Alors je rêverai des horizons bleuâtres,

Des jardins, des jets d'eau pleurant dans les albâtres,

Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin,

Et tout ce que l'Idylle a de plus enfantin.

L'Émeute, tempêtant vainement à ma vitre,

Ne fera pas lever mon front de mon pupitre;

Car je serai plongé dans cette volupté

D'évoquer le Printemps avec ma volonté,

De tirer un soleil de mon cœur, et de faire

De mes pensers brûlants une tiède atmosphère.

LXXXVII
LE SOLEIL

Le long du vieux faubourg, où pendent aux masures

Les persiennes, abri des secrètes luxures,

Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés

Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés,

Je vais m'exercer seul à ma fantasque escrime,

Flairant dans tous les coins les hasards de la rime,

Trébuchant sur les mots comme sur les pavés,

Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.


Ce père nourricier, ennemi des chloroses,

Éveille dans les champs les vers comme les roses;

Il fait s'évaporer les soucis vers le ciel,

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