Книга Цветы зла, страница 68. Автор книги Шарль Бодлер

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Cтраница 68

Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!


Toi qui fais au proscrit ce regard calme et haut

Qui damne tout un peuple autour d'un échafaud,


Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!


Toi qui sais en quels coins des terres envieuses

Le Dieu jaloux cacha les pierres précieuses,


Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!


Toi dont l'œil clair connaît les profonds arsenaux

Où dort enseveli le peuple des métaux,


Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!


Toi dont la large main cache les précipices

Au somnambule errant au bord des édifices,


Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!


Toi qui, magiquement, assouplis les vieux os

De l'ivrogne attardé foulé par les chevaux,


Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!


Toi qui, pour consoler l'homme frêle qui souffre,

Nous appris à mêler le salpêtre et le soufre,


Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!


Toi qui poses ta marque, ô complice subtil,

Sur le front du Crésus impitoyable et vil,


Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!


Toi qui mets dans les yeux et dans le cœur des filles

Le culte de la plaie et l'amour des guenilles,


Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!


Bâton des exilés, lampe des inventeurs,

Confesseur des pendus et des conspirateurs,


Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!


Père adoptif de ceux qu'en sa noire colère

Du paradis terrestre a chassés Dieu le Père,


Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!


PRIÈRE

Gloire et louange à toi, Satan, dans les hauteurs

Du Ciel, où tu règnas, et dans les profondeurs

De l'Enfer, où, vaincu, tu rêves en silence!

Fais que mon âme un jour, sous l'Arbre de Science,

Près de toi se repose, à l'heure où sur ton front

Comme un Temple nouveau ses rameaux s'épandront!

LA MORT
CXXI
LA MORT DES AMANTS

Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,

Des divans profonds comme des tombeaux,

Et d'étranges fleurs sur des étagères,

Écloses pour nous sous des cieux plus beaux.


Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,

Nos deux cœurs seront deux vastes flambeaux,

Qui réfléchiront leurs doubles lumières

Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.


Un soir fait de rose et de bleu mystique,

Nous échangerons un éclair unique,

Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux;


Et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes,

Viendra ranimer, fidèle et joyeux,

Les miroirs ternis et les flammes mortes.

CXXII
LA MORT DES PAUVRES

C'est la Mort qui console, hélas! Et qui fait vivre;

C'est le but de la vie, et c'est le seul espoir

Qui, comme un élixir, nous monte et nous enivre,

Et nous donne le cœur de marcher jusqu'au soir;


À travers la tempête, et la neige, et le givre,

C'est la clarté vibrante à notre horizon noir;

C'est l'auberge fameuse inscrite sur le livre,

Où l'on pourra manger, et dormir, et s'asseoir;


C'est un Ange qui tient dans ses doigts magnétiques

Le sommeil et le don des rêves extatiques,

Et qui refait le lit des gens pauvres et nus;


C'est la gloire des dieux, c'est le grenier mystique,

C'est la bourse du pauvre et sa patrie antique,

C'est le portique ouvert sur les Cieux inconnus!

CXXIII
LA MORT DES ARTISTES

Combien faut-il de fois secouer mes grelots

Et baiser ton front bas, morne caricature?

Pour piquer dans le but, de mystique nature,

Combien, ô mon carquois, perdre de javelots?


Nous userons notre âme en de subtils complots,

Et nous démolirons mainte lourde armature,

Avant de contempler la grande Créature

Dont l'infernal désir nous remplit de sanglots!


Il en est qui jamais n'ont connu leur Idole,

Et ces sculpteurs damnés et marqués d'un affront,

Qui vont se martelant la poitrine et le front,


N'ont qu'un espoir, étrange et sombre Capitole!

C'est que la Mort, planant comme un soleil nouveau,

Fera s'épanouir les fleurs de leur cerveau!

CXXIV
LA FIN DE LA JOURNÉE

Sous une lumière blafarde

Court, danse et se tord sans raison

La Vie, impudente et criarde.

Aussi, sitôt qu'à l'horizon


La nuit voluptueuse monte,

Apaisant tout, même la faim,

Effaçant tout, même la honte,

Le Poète se dit:"Enfin!


Mon esprit, comme mes vertèbres,

Invoque ardemment le repos;

Le cœur plein de songes funèbres,


Je vais me coucher sur le dos

Et me rouler dans vos rideaux,

Ô rafraîchissantes ténèbres!"

CXXV
LE RÊVE D'UN CURIEUX

À F.N.


Connais-tu, comme moi, la douleur savoureuse,

Et de toi fais-tu dire: "Oh! l'homme singulier!"

— J'allais mourir. C'était dans mon âme amoureuse,

Désir mêlé d'horreur, un mal particulier;


Angoisse et vif espoir, sans humeur factieuse.

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